les clous parfois l'hiver éclatent
j'aime le son de ces
détonations
ces instants glacés où le métal cède
c'est mon vrai visage
dégarni ridé cerné
qui éclate
mon visage et sa peau sous la pression des pensées
extraites comme des clous du clavier
fragile étanchéité des voix qui m’habitent
arrachées des lettres sur les frappes
renversées sur l’écran liquide
dans ce moule étincelant
les signes cloués me regardent
courbes lignes espaces noirs ou pas
simagrées insolites
rancoeurs
amours
insipidités
répertoires de cris étouffés par la police
cris Times New Roman
cris Arial
cris Raavi Consolas Cambria
phonèmes dégoutés du quotidien
cardiogrammes de fureurs
réverbères crispés de la pensée
paniques alphabétiques
violences vrillées dans les touches
préludes pour des pattes de mouches
pianissimo
solitude des mots sous mes yeux
espace insondable entre un nom et un adjectif
phénomène abject et infanticide grec
cette ligne ne veut rien dire
comment s’est-elle faufilée
par quels canaux
sa beauté vient du fait qu’elle semble s’être infiltrée malgré moi
par une fissure quelconque du mode de fonctionnement de la pensée
relisons-la
phénomène abject et infanticide grec
j’aurais pu copier-coller mais j’ai préféré repasser dans les lettres pour sentir la vibration des touches sous mes doigts lorsque j’appuie sur le P le h le é le n le o le m le è le n le e lorsque j’appuie sur l’espace surtout à cause de la
détonation
si particulière de la plus longue touche de mon clavier
quelle touche sur le piano équivaut au son qui sourd de cette touche-ci
do ré mi fa sol
SOL
je crois que c’est un sol
les détonations
les clous qui explosent
opèrent sans doute le même trajet qu’un Sol
sur le clavier de ma pensée
SOL
apprendre à savourer ce son qui éclate en plein hiver
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