16 mars 2010

Détonations















les clous parfois l'hiver éclatent

j'aime le son de ces
détonations
ces instants glacés où le métal cède

c'est mon vrai visage 
dégarni ridé cerné
qui éclate

mon visage et sa peau sous la pression des pensées 
extraites comme des clous du clavier 

fragile étanchéité des voix qui m’habitent
arrachées des lettres sur les frappes
renversées sur l’écran liquide

dans ce moule étincelant
les signes cloués me regardent
courbes lignes espaces noirs ou pas
simagrées insolites
rancoeurs
amours
insipidités
répertoires de cris étouffés par la police
cris Times New Roman
cris Arial
cris Raavi Consolas Cambria
phonèmes dégoutés du quotidien
cardiogrammes de fureurs
réverbères crispés de la pensée
paniques alphabétiques
violences vrillées dans les touches
préludes pour des pattes de mouches

pianissimo

solitude des mots sous mes yeux
espace insondable entre un nom et un adjectif
phénomène abject et infanticide grec
cette ligne ne veut rien dire 
comment s’est-elle faufilée 
par quels canaux 
sa beauté vient du fait qu’elle semble s’être infiltrée malgré moi
par une fissure quelconque du mode de fonctionnement de la pensée 
relisons-la
phénomène abject et infanticide grec

j’aurais pu copier-coller mais j’ai préféré repasser dans les lettres pour sentir la vibration des touches sous mes doigts lorsque j’appuie sur le P le h le é le n le o le m le è le n le e lorsque j’appuie sur l’espace surtout à cause de la
détonation 
si particulière de la plus longue touche de mon clavier
quelle touche sur le piano équivaut au son qui sourd de cette touche-ci
do ré mi fa sol
SOL
je crois que c’est un sol
les détonations
les clous qui explosent
opèrent sans doute le même trajet qu’un Sol 
sur le clavier de ma pensée 

SOL

apprendre à savourer ce son qui éclate en plein hiver 

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