9 décembre 2006

Afrinizir III

Tu es encore plus qu'une lionne lorsque, à l'attaque, ton corps de musc et de sirop d'érable laisse une trainée de poussière derrière toi. Sous son arbre, le macaque voit le derrière de tes cuisses survoltées: ton aplomb de lionne, soudain comme une flèche atomique, détale... et la hardiesse de ton élan laisse le macaque ébranlé sur sa branche.
Lionne! Grimperas-tu avec le macaque dans les hauteurs si tu parviens à rassasier cette douleur dans le bas-ventre qui te fait suer mille savanes et autant de ciels électriques? Combien de nuit peux-tu contenir dans tes entrailles sans ton macaque? Lorsqu'au loin rugissent tes semblables et que remontent jusqu'aux cimes des échos millénaires de tripes déchirées, la nuit ne fait plus qu'un tour sur elle-même, emportant sous sa voûte l'anxiété du primate : délires rocailleux, fresques ennemies, grottes glaciales en amont des plateaux familiers.
C'est tout juste si le macaque ne rugit pas pour la lionne! Ses yeux bruns perforés d'étoiles filantes sont transis. Tel une poupée-singe sans sang qui flotte au bout d'une branche, la chute intérieure de l'homme semble se refléter dans ses canines: cri figé dans l'émail, sourde symphonie énonçant l'impossible, d'une seule grimace.
On le voit, le macaque, et pourtant il nous échappe...
Il détale à la poursuite de la lionne, reniflant quelques phéromones égarées çi et là, giclées de peur semées dans le vent. Si seulement la lionne savait le Mali qu'il se fait et les invectives Bamako qui le Harare, peut-être, peut-être détournerait-elle le museau le temps d'un grognement...
Chère Lionne! Afrinizir! Fugitive aux doux effluves de feu flairant l'aurore! N'entends-tu pas ton macaque qui se morgane à qui mieux mieux dans tous les sens et qui rouspète sans bon sang sous les lunes noires de ta terre!? Ne le vois-tu pas dans son arbre, tour à tour suspendu, agrippé d'une seule main à sa branche!? Vois! Il lit ta trajectoire sur la ligne d'horizon et il réalise, peu à peu, qu'elle le ramène à lui dans les lignes de son autre main.

29 octobre 2006

Afrinizir II

Le Macaque rôde et plonge ses longs doigts dans la crinière de lionne de la lionne en cavale et la lionne, elle, fugace et élastique, fait tournoyer ses yeux bleus dans les yeux du grand singe qui, d'un coup, s'agrippe à son dos et plonge sa tête dans son poil d'herbes hautes et sacristoche que ça fouette au vent et sous le vent, ça martèle tout le long de l'échine du Macaque: les rebonds sont ronds, le cou se désampare et l'altitude, l'altitude n'est plus la simple élévation d'un point, c'est une prise de position vertigineuse et sans compromis. Du haut de cette bête à poil, le Macaque voit les choses avec perspective: les arbres et les herbes sont un même matériau, celles-ci se fondant à ceux-là et parachevant une danse rectiligne à perte de vue. Il n'y a, lionne, plus de temps perché sur ton dos et cabré dans le désespoir d'un assaut de rhinocéros et d'hémistiche. Mon amie, ma soeur, songe à la douleur de rester vivre ici, alors que les râlements d'hippopotame et que les heures suspendus aux ailes de flamants roses coexistent sur d'autres continents. Le Macaque sent le crépitement, la brûlure vive dans la poitrine de la lionne et il sent aussi l'énergie qu'elle met à contenir ses élans. Sans se contenir, il songe, comme une explosion nous lançant son bonjour, aux apparitions de soleils à la lueur bleu du petit matin quand, au loin, les silhouettes noires dansent encore et que leur salut passe par le martèlement des pieds, poussière rouge où cavale la lionne sous son Macaque. Ces pieds donc, d'arbres rugueux et de chocolat mauve, explorant les zones d'intimité avec le sol, ses cavités, ses remous, ses textures, plateaux millénaires, surfaces tant et tant de fois repliées sur et sous et en elles-mêmes, comme les boucles de ta tignasse, chère lionne, chère lionne, chère lionne... Quel macaque à oreille de lapin je fais! moi qui suis tout déplèjneige et matracolique loin des saveurs de musc de tes interstices - il n'y a rien qui tient, désintégration accélérée de mes privilèges de naissance et des murs qui soutiennent mon regard - fleuve neige, amor de terre, crac belette aux mains d'orfèvre et quoi et qui sans queue ni quête, longeant l'arête aquilin du désespoir et la brume de cerise et les doigts de fer du maghrébin dans ses baboushs aux lueurs de crépitement d'amandes! Ma lionne! Ma toute implorée du par ici et du viens avec moi, Afrinizir! Afrinizir! Je te cherche! Mais tu es crainte et épuisement à l'autre bout des lignes, à l'aurore où va t-elle, tu es tout ça et la cavalcade et mon incapacité à dire les choses plus simplement. Tu es la petite roche où le soleil se résorbe dans la paume de ma main.

27 octobre 2006

Afrinizir

J’ai la douceur sèche de la peau de serpent et des carapaces de tortue sur la langue. Mon Afrinizir, ma bleue-sang, ma très violente intrusion de tendresse dans les interstices où ça sille. Je te cherche... Et c’est les yeux fermés que tu montes en moi. Afrinizir ! La brûlure dans tes rires : zébrée de douleurs revampées. Ta silhouette, au coucher, comme un appel au loin dans la savane de touffes de feu et de girafes. Là où tu es, c’est du sable qui me glisse entre les mains. Comment remonter jusqu’à toi, les yeux fermés ? En moi, c’est l’attente d’un appel renouvelé que tu fomentes. Et la cuisson, lente, braises de lune du désert, m’assoiffe, m’affole, Macaque perdu dans tes yeux brume-bleue.

eciralC

Il reste encore moins de temps pour v-écrire et pour mériter l'introït, qu'il soit aigu ou tout en sourdine à l'orée des mystères ravageurs de son hymen. Clarice, Clarice, ton nom, pur délice, s'effiloche et s'embrume à l'embouchure de la langue. C'est que je ne sais plus du tout par où te prendre... Tes métamorphoses: moults mélanges volages, subtils me rappellent, jadis, les cerisiers rosoyant les rues de Tokyo. Clarice, tu es marées de lettres solitaires repliées en elles-mêmes se coudoyant à la surface. Et tes reflets, néons, glacés, figés aboutissent, suite à une cascade de plis et de spirales, au point focal incontournable des horizons perdus, là où les droites se croisent et où les courbes, enchevêtrées, se retrouvent en cavalcades folles : ce sont tes lettres dépistées, dévidées, décomposées, C-l-a-r-i-c-e. Et la rumeur veut que tu puisses, au bout du texte des textes, y lire, comme dans la surface de cristal d'un gratte-ciel, l'envers des choses et leur profondeur retrouvée : e-c-i-r-a-l-C. Voici en toutes lettres ton portugais réinventé : eciralc: cirlac, laceric, cliracé. Petite musique sensuelle pour le clinquant refuge des sons s'entrechoquant dans le tympan. Ton nom comme des gouttes d'eau sur mon iris : Eciralc - te voilà déjà grande avec ce E qui te va à ravir et qui fait siffler les consonnes, ce premier «c» comme vision incendiaire et ces cernes que tu fais dans mes yeux d'eau s'élancent sans cesse sur ce deuxième «c», sec et coriace, lui, et qui vient à la fois clore et ouvrir en boucle aux dépisteurs, la saveur de ton nom. Clarice, c'est du sel sur la langue, des algues qui refont surface et qui aiment et qui rôdent sur la crête de tes sons de cristal. On pourrait écrire des clairières et des flaques d'eau clariciennes et s'y perdre et s'y fondre sans pour autant perdre le sens de ton nom, car tu es Une, et au-delà de toutes ses métamorphoses, tu es notre délicieuse coquerelle: Clarice.

LKM: Clarice après la fuite

superk et sa suite ecclétique, qui a entraîné Jack et Nina dans le train de nuit qui rugit à l'aube des loups esseulés.

Louvain la neuve: Introit pour Clarice

Louvain la neuve: Introit pour Clarice

20 août 2006

L'infini dans un verre d'eau

Cette nuit, j'ai le vertige et je m'efforce à travers l'écriture à reprendre le contrôle. Je sens la dérive me prendre de l'intérieur, mais peut-être ai-je acquis la capacité de rediriger cette sorte d'énergie sourde et rampante qui s'emmagasine dans mon bas-ventre et me donne envie de me jeter sur la première bouteille. Il n'y a rien pour me baliser, rien en quoi me perdre, une simple pièce, un espace plutôt vaste, son silence et le bruit du ventilateur qui me rappelle que nous sommes en aôut et que l'été commence à tirer à sa fin. Je sais que je suis en vie à nouveau parce que j'attends un appel de téléphone et que cet appel, pour la première fois depuis longtemps, ne me laisse pas indifférent. Je ne me rappelle pas d'avoir ressenti cette sorte d'anxiété depuis des lustres. Si j'avais à la décrire, cette anxiété, je dirais que c'est le firmament sans étoiles ou l'océan sans rivages - il y a quelque chose de suffoquant comme l'éternité prise dans un verre d'eau ou l'attente intense et ralentie qui précède l'explosion d'une grenade. C'est cela une grenade, et cette grenade, je ne sais pas si elle est chargée ou non. Je la regarde et je sens qu'elle aussi, dans sa densité atomique, me regarde. Décharges d'oeillades sans compromis. Aurai-je le courage de regarder la bombe m'exploser au visage? Je veux dire, aurai-je le courage de regarder ma solitude en face et de laisser le silence tomber sur moi et de respirer tranquillement malgré tout et pourquoi pourquoi est-ce si difficile d'aligner quelques mots alors que je ne vois pas comment je pourrais faire autrement pour passer à travers cette nuit? Regarder le silence en face ou le laisser me prendre de l'intérieur, le laisser revamper ma nuit alors que la respiration même me semble lourde et que j'évite de m'y enfoncer, comme si ce n'était pas la réponse. Pas cette nuit. Rester assis devant ma table de travail et sentir l'anxiété plutôt, ce firmament astellaire qui siffle et serpente dans mes neurones atrophiés de violence. Sentir l'anxiété enfler au rythme des bombes qui explosent et tenter, par mille moyens, de faire semblant de rien, de détourner le regard et d'enterrer les images mitraillées de cadavres et d'enfants bleuis par le feu. Cet appel qui ne vient pas, qu'est-ce que c'est? Ce n'est rien. Mais pour moi, c'est quelque chose qui me glisse des mains, quelque chose qui m'échappe, une glose sans papier, une encre qui ne sèche jamais, un état gazeux. Je préférerais encore m'évaporer plutôt que d'avoir à subir cette transformation chimique. Il m'est pénible en effet d'avouer que j'attends ce soir, avec ardeur, le son réconfortant de la voix d'une femme. Je cherche à m'échapper de moi-même. J'épluche les possibilités : alcool, mari, tv, téléphone, courriel, Internet, lecture, ménage, déprime, frustration, marche, etc. J'opte plutôt pour l'option suivante : sentir mon pouls battre dans le bout de mes doigts. Et transcrire, radieusement, ces vibrations sur l'écran liquide. J'éprouve une certaine joie maintenant, quelques paragraphes plus tard, à sentir le sang circuler dans mon corps. Il y a avait longtemps que je ne m'étais pas senti en vie. C'est sans doute le contact prolongé avec l'eau et les arbres et la terre. Je commence enfin à m'évaporer, même si cet appel me réjouirait, mais je ne sens plus cet état comme un manque ou un échec, plutôt comme une épreuve douloureuse me transformant et me permettant de m'endurcir tout en me rendant plus malléable. Je ne peux rien contrôler. Rien ne se contrôle. Tout, fluide, change, se transforme, disparaît et réapparaît sous une autre forme. Si, cette nuit, je suis, seul et silencieux, c'est aussi pour apprendre à être mieux, seul et silencieux; à être vraiment seul et silencieux sans pour autant sentir cette solitude comme une dégradation de mon être, mais plutôt comme une pauvreté souhaitable, rafraîchissante, d'une simplicité qui me permet, lentement et à mon propre rythme, de me rapprocher de Toi. Car, je suis moi aussi une vague et sans moi aussi, il n'y aurait pas d'océan. C'est l'évidence calme qui plane sur cette nuit et les ombres ne sont plus en moi mais autour de moi et avec moi dans cette descente un peu plus en profondeur au coeur de mon mystère. Nul besoin de mouvement pour voyager. Tout est là en soi, mais c'est beaucoup plus terrifiant que de prendre l'avion pour se rendre à l'autre bout du monde. On ne débouche toujours que sur soi. Ou que l'on soit, l'infini nous rattrape toujours dans un verre d'eau.

16 août 2006

Banana

- How are you? - I'm sorry? - I said, how are you? - Good. - You are not from this area, are you? - Yes. Why? - Most people who live around here come in and stand in front of me looking like this with their head in their hands and they look down and they say stuff like «I'm so depressed» when I ask how they're doing. They seem to be waiting for some sort of sympathy or something, I don't know. - I see. I live just across the Main. - Really! You don't seem like your from here. I mean you look good and all. You could easily be confused for the Esperanzza type. I'm used to seeing always the same faces in here. You french? You know my girlfriend is french! - Hmm... French. Feisty, eh? - You bet! She's a real tough one! Want veggies or brown rice? If I were you, I'd go for the veggies! I mean, you have enough already with those black beans to last till the morning! - Veggies. Why not? - Anything to drink? - How about one of those organic green teas. - Sure thing. Here you go. Where you sitting? I suggest the other side. It's much brighter. Sun drops right in. Perfect for reading and stuff if you feel like hanging around a little. I'm sure you must be a reader. You look like the reading type. What are you into these days? Da Vinci code? Harry Potter? - Banana. -No, no I meant, what are you reading? - Banana. -Huh? -Yoshimoto. Yoshimoto, Banana. That's her name. - She writes recipes or something? - Not quite. She writes short stories. Simple, precise and strange short stories about young people having trouble in their relationships. For example, how a man falls in love over and over again with married women and how, in the end, he feels so empty, he finds nothing better to do than reading books written by Banana Yoshimoto over a warm tea cup in a trendy coffee shop. - I see. Well, I hope you'll enjoy your meal... - Thanks.