15 octobre 2009

Sur l'autoroute 4

Est-ce possible d’entrevoir une forme de narration à l’image du déroulement de l’autoroute: une sorte de flux ininterrompu qui, tout d’un coup, nous oblige à freiner, à prendre du recul, à observer notre positionnement. À la lumière du chemin parcouru, l’avancée se fait alors plus pénible, au compte-goutte, l'autoroute se change en stationnement, l’être arraché à l’action fulmine sur place dans l’attente d’une ouverture, d’un déblocage, comme le retour de l’inspiration ou de quelque chose de latent, d’imperceptible qui surgit sans klaxonner et qui ouvre de nouvelles perspectives. Les idées plus tôt étouffées se nourrissent alors de cette pause pour s’élancer de plus belle, avec un élan proportionnel au degré de stagnation. Sur l’autoroute, les interruptions dues aux arrêts involontaire ce seraient les espaces entre les paragraphes, et les paragraphes, le défilement des mots motorisés loin des feux de circulation, cette forme de ponctuation de la rue qui balise, réfrène, retient, censure, étouffe l’imaginaire du conducteur en modulant de haut en bas ses vitesses et en le maintenant à mi-chemin de son plein potentiel. Chaque seconde équivaut à un saut à la ligne. On peut ainsi mesurer l’élasticité de l’inspiration du conducteur au jour le jour, sentir, la flexion entre le mots et la stagnation du traffic mental qui s’insère entre les mots cherchés-désirés dans le droit filon de l’autoroute. Une autoroute ne devrait jamais imposer le silence. Elle devrait plutôt laisser libre cours à la fureur du conducteur et suivre le mouvement aléatoire, mais concentré et rectiligne des mots qui se réfléchissent comme des objets dans le miroir qui sont plus près qu’ils ne le paraissent. Le silence peut alors s’installer par lui-même et distiller son poison tout au long du trajet dans une sorte de défilé allégorique du verbe catalysé par le filtre de la pensée et rejeté par le tuyau d’échappement.

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