24 octobre 2009

L'écume du réel

L'image est frappante.
On se souviendra d'une histoire simple, toute simple, celle de Colin et de Chloé, celle aussi de ce nénuphar qui, tout en prenant de l'expansion au fur et à mesure qu'on s'enfonce dans le livre, pousse dans les poumons de la fiancée de Colin.
Les fantasmagories de Vian sont bien connues, mais jamais au grand jamais aurais-je cru voir l'une d'elles recensée sur un site d'information.
En effet, le 15 mai dernier, le site MosNews.com relatait une anecdote des plus saugrenues : quelque part en Russie, un jeune homme crache du sang. Après une intervention chirurgicale, on découvre un sapin de 5 cm dans ses poumons.
Aussi futile puisse t-elle sembler, cette anecdote me permet d'établir un parallèle avec un ouvrage collectif qui porte sur le rapport du roman avec le réel: Devenirs du roman.
"Quels sont les rapports du roman avec le réel? Avec le monde contemporain? En quoi celui-ci affecte-t-il la forme romanesque, et en quoi le roman affecte-t-il le réel en retour? Quelle est la capacité du roman, en tant que genre, à appréhender les enjeux du monde à venir?"
Le réel est toujours en reste par rapport à la fiction. La fiction dicte ce qui pourra se donner à voir, elle suggère, trace, répertorie un inventaire fabuleux de mots qui, en quelques phrases, finissent par se décliner en idées, fussent-elles en accord avec le réel ou non.
La question de l'utilité de la littérature refait souvent surface. À quoi sert la littérature? C'est une question non seulement énervante, mais, plus encore, truffée de pièges pusiqu'elle semble émaner directement du fond de la gorge d'une société en mal de réflexion, portée toute entière sur une forme de capital rapide, excessif, dénuée d'imagination.
«Le plaisir de la fable est d'abord une démonstration en acte de ma liberté.» Cette citation tirée de cet ouvrage me semble convenir parfaitement à Boris Vian. C'est de cette liberté seule que peut advenir une idée authentique. Un peu d'écume en surface, bientôt rattrapé par la vague du réel.

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