13 mai 2010

Propositions sur Glenn Gould - 2e gamme

C'est toujours mieux la lumière tamisée pour ne pas dire la noirceur complète. Faire un avec chaque note de Gould, en détacher la texture si particulière, comme lorsqu'on met l'oreille sur le ventre d'une femme enceinte pour mieux sentir les vibrations, les battements de coeur du foetus. Ce genre de musique-là, organique, biologique, atomique, quelque chose de si ténu, de si près du silence que la vie semble tout d'un coup gigantesque lorsqu'on en perçoit les profondes ramifications.

Proposition 4

L'exercice prend une valeur plus importante que l'oeuvre. Le non-fini, le fragmentaire, les morceaux épars, les notes, les cris, les marmottements. Je pense à Artaud en littérature comme à Gould en musique. Même combat. On recherche l'idée pure. Évacuer le décalage entre l'idée et son véhicule, éliminer les traces, la traduction qui corrompt les mouvements de l'âme. Travailler les transitions. Coller bout à bout les émanations pures du Moi pour qu'il n'y ait pas tergiversation, de raisonnement de l'humain qui interfère entre les données, mais quelque chose comme de l'animal dans son état le plus sain, dans son cri de foetus avant l'avortement.

Scolie 1

Si je n'ai jamais réussi à devenir pianiste, j'ai souvent réussi à tromper la vigilance des mes professeurs qui ont toujours cru que je savais lire la musique. Nada. J'ai toujours eu une excellente oreille et une sensibilité de prince au petit pois. Celui qui ne ferme pas l'oeil parce qu'il sent le pois sous une tonne de matelas. D'une certaine façon, je cherchais des raccourcis, des fuites, des fugues, je compensais un sens en forçant l'autre, la lecture pour l'ouïe et jaurais pu, si on m'avait encouragé, devenir un excellent jazzman, une sorte de génie schizo du piano - j'aurais déformé à ma façon les ritournelles de Mozart pour en fabriquer de nouvelles en papier-mâché, désarticulées, déformées, mais authentiques, libres de contraintes spasmodiques de la page.

Ce qui soulève une question: comment se libérer de l'étouffement qu'impose les codes sur la page? Le langage. Apprendre à lire pour comprendre et pour écrire pour communiquer quand le langage peut communiquer des choses atroces et déformer la réalité. Cela donne-t-il envie d'utiliser ce langage ou plutôt de le tordre dans une sorte de malaxeur interne, pour le jouer à l'oreille et le rendre à l'oreille comme une sorte de pastiche dégingandé du langage de tous les jours, quelque chose qui est un langage, mais qui n'est plus vraiment ça ou du moins ce à quoi on s'attend? Si l'on écrit à l'oreille, c'est de l'ordre du poétique peu importe que l'on écrive un article pour Elle Québec ou une thèse sur Spinoza.


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