Si j’avais à tracer une journée au pointillé sur une page, je dirais qu’il y a plusieurs points qui déborde la page, qu’il y a aussi des points, plusieurs points, gris, fades, ternes, réguliers, entrecoupés de points noirs qui, eux, prennent parfois des proportions improbables jusqu’à noircir la page en entier. En d’autres termes, si j’avais à tracer une journée au pointillé sur une page, celle-ci se laisserait rarement appréhender par une forme d’entendement humain; elle ne se laisserait pas lire aisément. On pourrait évidemment isoler certaines parties de la page, mais qu’adviendrait-il si le lecteur tombait, par exemple, sur une journée où la page ne recèle plus de blanc? Ou, pire encore, s’il découvrait au fil des points une sorte de chemin familier qui prend forme lentement, qui le sollicite et lui renvoie comme un miroir les reflets de sa propre intelligence avant de sombrer à l’extérieur du cadre?
Il y a des points très condensés dans une journée de points et des points flous, des points qui s’effacent et des points scintillants, mais rien n’est aussi fascinant que ces points perdus, ces outre-points, en marge et bien au-delà (puisqu’au delà de la marge il y a tout de même des points - flottants peut-être, invisibles, mais points tout de même) qui forment la constellation silencieuse d’un esprit, ses dérapages, ses égarements, ses pertes de mémoire ou mieux encore ses gains de mémoire, une surchauffe qui provoque un soudain égarement à l’extérieur du cadre, une glissade enivrante dans les points noirs de l’oubli que personne ne remarquera, que personne ne soulèvera, que rien, sinon l’idée d’y réfléchir un peu, ne pourra restituer.
Si j’avais à tracer une journée au pointillé sur une page, je prendrais le temps qu’il faut pour faire à reculons le voyage dans l’informe et chercher un moyen de circonscrire ces points sur la page sans leur enlever leurs propriétés. Ce serait une sorte de passe-passe. Comme étreindre le vide ou caresser un calorifère. Mieux encore. Ce serait tout simplement des points morts qu’une langue tenterait d’animer en se constituant à même son informité.
Inventer cette langue qui permet de revivre les points morts d’une journée.
2 commentaires:
«Comme étreindre le vide ou caresser un calorifère.»
«Ce serait tout simplement des points morts qu’une langue tenterait d’animer en se constituant à même son informité.»
Tout ceci est si beau. Je meurs ! Je bascule dans l'informe !
Bienvenue dans l'informe, lectrice fidèle et avide du pointillé!
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