7 avril 2010

La pédagogie du vide 2 - Sur les murs


Et si je leur disais qu’aujourd’hui on allait accrocher les bureaux sur les murs, si le programme de français consistait à réfléchir à une façon ingénieuse d’accrocher les bureaux au-dessus de la tête du maître comme des auditoriums miniatures suspendus entre deux plans où circule les émanations passagères de la pensée sous forme de pieds de bas et de petites culottes.
Il faudrait évidement exiger le port du pantalon ou tout simplement réécrire les devis pour des étudiants nudistes qui s’en donne à coeur joie lorsque vient le temps de chier sur le prof ou de lui tomber dessus pour une erreur de calcul.
Il faudrait revoir les devis déchirer les devis descendre la ministre de l’Éradication du Oisif et du Porc à coup de mitraillette pour ajuster les programmes en fonction d’une augmentation non pas du salaire des instituteurs mais bien de la hauteur approximative des élèves sur les murs - hauteur qui bien sûr permettrait de mesurer le degré d’intelligence et de compétence atteint par les dits-élèves.
Ces élèves écriraient comme je le disais plus haut un dossier technique sur l’installation de bureaux en hauteur - on y évaluerait évidemment les participes passés et la cohérence verbale mais aussi la clarté du propos le vocabulaire et en dernier lieu le pourcentage concret de mise en application probable de réussite de l’installation desdits bureaux à l’aide de poulies d’écrous et de vis sur les murs et les plafonds.
On ne négligerait rien les élèves seraient assidus comme des oiseaux gris-bleu s’essorant les ailes dans les moulures du plafond disposant d’une faculté de l’esprit géométrique hors du commun on les verrait tels des funambules se tenir sur la corde raide d’une balançoire à l’horizontal. 
Tout cela simplement si je leur disais : «Aujourd’hui, on va accrocher les bureaux sur les murs.»

5 avril 2010

Pédagogie du vide - Un mur ne sait rien des autres murs


Le rapport à l’espace me fascine. La première chose que je fais en entrant en classe, ce n’est pas écrire le plan de cours au tableau. Je m’arrête dans le cadre de la porte. Je balaie l’espace d’un coup d’oeil et je tente d’imaginer la disposition de bureaux la plus déstabilisante possible tout en envisageant une proximité avec les étudiants, tout en m’obligeant à orienter la composition en fonction d’une convivialité qui fait souvent défaut aux études supérieures.

Les bureaux, c’est la matière. Les élèves, les transistors qui permettent à l’information d’affluer entre les îlots. Tragédie des classes universitaires qui imposent des bancs soudés, fixés au sol. Pire encore: les auditoriums qui infligent à un maximum d’élèves une posture dans un moule prédéterminé au seuil duquel trône le maître dans la poussière de craie. Plus les études avancent, plus la pensée, à l’image de l’espace, impose sa dictature.  
Je préfère penser l’espace de la classe comme s’il n’y avait pas de murs. Un lieu où l’anarchie peut subvenir tout comme une zone propice à l’affluence soudaine de lignes silencieuses qui se dessinent entre les têtes. 
Les bureaux, je veux dire ces objets brinquebalants qui font figure de table de travail où se laisse choir les jeunes décérébrés en attente d’un mouvement à l’avant, ne devraient pas imposer la rectitude conservatrice qu’on leur connaît depuis le temps des jésuites et des sulpiciens. 
Avant d’entrer en classe, je l’imagine vide. Un canevas blanc en trois dimensions. Les bureaux comme matériau. Des planches de bois disposées abstraitement ci et là permettent de diluer l’espace, de l’alléger. Elles permettent aussi de le dynamiser, de lui donner l’illusion de grandeur ou de rétrécissement. 
Je prétends qu’un réaménagement de l’espace influe sur les influx nerveux, stimule l’esprit, l’oblige à orienter son esprit sur des chemins moins connus, favorisant l’association d’idées, l’imagination, voire une nouvelle forme de concentration.
L’idée est d’imposer une perception différente, désarmante, saugrenue. 
Suggestions de figures possibles:
  • de dos au professeur
  • face à une fenêtre ouverte sur l’extérieur dans le contexte d’un atelier
  • dos à dos lors d’un examen.
  • en zigzags
  • collés sur le mur du tableau
  • éclatés comme des points perdus dans l’espace suite à une explosion
  • en forme de constellations, selon une logique mathématique qui se base entièrement sur le dynamisme du groupe, sur l’aura spécifique qui s’en dégage
  • en forme de triangle (vide ou plein)
  • en forme de cercle (vide ou plein)
  • renverser le dressage du corps en les obligeant à s’asseoir sur la table de travail et à garder les pieds dans le vide
  • les inviter à rester debout, à s’étendre dans un coin, à se percher sur le rebord de la fenêtre
  • imposer des figures géométriques facilitant l’échange
  • coller les bureaux en pavé où les élèves agglutinés les uns aux autres, tel un monochrome de Rothko, doivent irradier en silence 
  • [Insérez votre proposition ici]
Et tout cela sans jamais s’arrêter de prendre des notes, en intensifiant leur concentration, en explorant de nouveaux chemins de la pensée.
Le professeur, quant à lui, est mobile ou fixe par rapport à un point référentiel connu (le bureau du prof). Il n’a peut-être pas de bureau dédié, il s’est peut-être exorbité quelque part dans la classe, comme un point parmi les points de la constellation. Les ligne de force qu’il établit avec les élèves ne sont pas hiérarchiques, mais dynamiques. La vitesse de pensée doit précéder la leur, prévoir les questions, les tensions, devancer les attentes, favoriser l’échange, pousser en dehors du cadre. 
Un mur ne sait jamais rien d’un autre mur. Il n’est qu’une surface qui impose une limite au corps. 


Mon objectif est de m’adapter à l’environnement, de fixer des points et de me mouvoir en fonction des sources de lumière (fenêtres, éclairage électrique), de la largeur des murs (droites parallèles et perpendiculaires à mon emplacement). J’opte pour une architecture qui s’appuie sur des phénomènes physiques d’interaction. Je deviens à chaque cours un dispositif de localisation et de suivi d’éléments fixes, en nombre quelconque, dans un environnement structuré, partiellement connu et de taille limité. Je suis moi-même un matériau mobile disposé dans l’environnement. 
En somme, théorie et géométrie se renforçant l’un l’autre, le professeur-architecte invente et expérimente les figures les plus appropriées à sa matière. 

3 avril 2010

Sumo

L'équivalent du hockey au Japon, c'est le Sumo. Voici une superbe reconstitution du plus honorable des arts de combat. Il s'agit d'un vrai tournoi en accéléré dont quelques séquences ont été supprimées pour donner l'illusion d'une maquette (Tilt shift motion).  Malgré le sérieux de la chose, si vous observez bien, vous remarquerez dans les dernières secondes un geste surprenant de la part d'un Sumo : un kancho, plaisanterie grivoise qui consiste à faire semblant de rentrer un doigt dans l'anus d'une personne qui ne s'y attend pas.