15 mai 2010

Propositions sur Glenn Gould - 3e gamme

Proposition 5

Glenn Gould est le seul pianiste à réfléchir vraiment à la forme. Il ne s'agit pas de faire une lecture lyrique d'une oeuvre et de l'interpréter en restant le plus près possible du sens, de la tradition, des attentes, pour émouvoir son public en lui renvoyant un langage qu'il saisit bien, le langage de tous les jours qu'il utilise, qu'il entend en faisant la vaisselle, mais plutôt une musique miniature, minimaliste, presque silencieuse qui chuchote des réalités et des saletés sur un monde exorbité, loin d'ici. Un monde aride, déseché, ascétique. Un espace désert où les notes se répercutent en renvoyant une teinte jusqu'alors inconnue, presque inodore et qu'il faut réapprendre à entendre.

On renait chaque fois qu'on écoute une exécution de Gould au piano. Des sons sont perçus. Mais ils ne nous vient pas à l'idée qu'il s'agit de sons. Désert. Vent. Le bruit de la neige peut-être qui fond sur une fenêtre au soleil, mais pas de Do ni de Sol, encore moins de La, puisque le langage lui aussi perd ses fonctions et que le La peut aussi bien déterminer qu'il peut qualifier.

"Quelle note la! si la!"

13 mai 2010

Propositions sur Glenn Gould - 2e gamme

C'est toujours mieux la lumière tamisée pour ne pas dire la noirceur complète. Faire un avec chaque note de Gould, en détacher la texture si particulière, comme lorsqu'on met l'oreille sur le ventre d'une femme enceinte pour mieux sentir les vibrations, les battements de coeur du foetus. Ce genre de musique-là, organique, biologique, atomique, quelque chose de si ténu, de si près du silence que la vie semble tout d'un coup gigantesque lorsqu'on en perçoit les profondes ramifications.

Proposition 4

L'exercice prend une valeur plus importante que l'oeuvre. Le non-fini, le fragmentaire, les morceaux épars, les notes, les cris, les marmottements. Je pense à Artaud en littérature comme à Gould en musique. Même combat. On recherche l'idée pure. Évacuer le décalage entre l'idée et son véhicule, éliminer les traces, la traduction qui corrompt les mouvements de l'âme. Travailler les transitions. Coller bout à bout les émanations pures du Moi pour qu'il n'y ait pas tergiversation, de raisonnement de l'humain qui interfère entre les données, mais quelque chose comme de l'animal dans son état le plus sain, dans son cri de foetus avant l'avortement.

Scolie 1

Si je n'ai jamais réussi à devenir pianiste, j'ai souvent réussi à tromper la vigilance des mes professeurs qui ont toujours cru que je savais lire la musique. Nada. J'ai toujours eu une excellente oreille et une sensibilité de prince au petit pois. Celui qui ne ferme pas l'oeil parce qu'il sent le pois sous une tonne de matelas. D'une certaine façon, je cherchais des raccourcis, des fuites, des fugues, je compensais un sens en forçant l'autre, la lecture pour l'ouïe et jaurais pu, si on m'avait encouragé, devenir un excellent jazzman, une sorte de génie schizo du piano - j'aurais déformé à ma façon les ritournelles de Mozart pour en fabriquer de nouvelles en papier-mâché, désarticulées, déformées, mais authentiques, libres de contraintes spasmodiques de la page.

Ce qui soulève une question: comment se libérer de l'étouffement qu'impose les codes sur la page? Le langage. Apprendre à lire pour comprendre et pour écrire pour communiquer quand le langage peut communiquer des choses atroces et déformer la réalité. Cela donne-t-il envie d'utiliser ce langage ou plutôt de le tordre dans une sorte de malaxeur interne, pour le jouer à l'oreille et le rendre à l'oreille comme une sorte de pastiche dégingandé du langage de tous les jours, quelque chose qui est un langage, mais qui n'est plus vraiment ça ou du moins ce à quoi on s'attend? Si l'on écrit à l'oreille, c'est de l'ordre du poétique peu importe que l'on écrive un article pour Elle Québec ou une thèse sur Spinoza.


11 mai 2010

Propositions sur Glenn Gould

Outre le plaisir jubilatoire dans le silence d'une nuit ivre où je me suis mis à l'écouter vraiment, je me rappelle l'avoir encore mieux entendu dans les champs de moutarde de Kamouraska - car les notes de Gould ont besoin d'espace pour se faire entendre, lui qui raffolait du Grand Nord. Je revois sa silhouette dans son paletot noir, comme une dièse sur un fond émaillé de neige pure.

Proposition 1
Il existe un rapport entre le clavier du piano et le clavier de mon portable et je le cherche.

Proposition 2
Le rapport de Gould à la musique, et plus particulièrement à l'enregistrement, en dit long sur le rapport à l'écriture et ses supports.

Proposition 3
Pour réfléchir aux formes d'écriture contemporaines, la réflexion du pianiste, pour qui le potentiel de l'enregistrement domine le spectacle, procure un modèle privilégié. Il n'y a plus d'auteur Superstar, mais un artisan orfèvre qui peaufine ses interprétations en les écoutant et les rejouant inlassablement. Une série de moments spontanés, isolés, purs, denses, authentiques sont rafistolées, bout à bout, comme les différentes mesures d'un morceau. Ce qui compte, ce n'est pas l'exécution du morceau en soi, mais sa faculté de juger quelles mesures méritent d'être retenues pour le morceau final et la place précise que celles-ci devront prendre dans l'ensemble.

Les Jumelles japonaises en BD

Groupe underground renommé pour ne s'être jamais produit nulle part, les Jumelles Japonaises ont du moins l'illustre chance de se retrouver dans le palmarès des meilleures planches de Chant, la fameuse bédéiste verchéroise.